Décryptage d'Alstom : le bon moment pour prendre le train ?

20:38 27 janvier 2025

La désindustrialisation chronique de la France menace-t-elle la pérennité de ses grandes entreprises manufacturières ? Avec une production industrielle en chute libre, une baisse des investissements industriels et un solde entre les ouvertures et les fermetures d’usines négatif pour la première fois depuis 2016, le secteur vacille sous le poids des défis globaux. Et avec un déficit public s’élevant à 5,5% du PIB, celui-ci ne pourra probablement pas compter sur le soutien du gouvernement pour soutenir son attractivité internationale et la mise en œuvre de sa transition énergétique.

Pourtant, l’année 2025 laisse entrevoir un espoir dans ce tableau noirci par les crises successives auxquelles l’industrie a dû faire face. Le PMI manufacturier du mois de janvier a connu une croissance notable, bien au-delà des attentes du marché. La guerre des prix annoncée par les Etats-Unis sur le pétrole et le gaz pourraient impacter favorablement les charges énergétiques, et la baisse des taux devrait soutenir la reprise de la consommation. Par ailleurs, Trump n’envisage pour le moment pas d’imposer de tarif aux exportations européennes, ce qui pourrait donner un regain de compétitivité aux entreprises du secteur industriel français.

Parmi elles, l’une d’elle a particulièrement suscité l’intérêt des investisseurs cette année : Alstom. Ses actions ont enregistré une performance de près de 80%, alors que la société a enregistré des pertes nettes pendant trois années consécutives. Mais le cours des actifs n’est théoriquement pas censé refléter le passé : il est au contraire un indicateur de la confiance des investisseurs envers celui-ci à générer du rendement dans le futur. A l’approche des résultats annuels, les marchés sont-ils donc en train de valoriser le retour de l’activité opérationnelle à la rentabilité ?

De l’électromécanique au ferroviaire

Au cours du 20e siècle, Alstom s’est imposé comme l’un des piliers de l’industrie française. Né en 1928 de la fusion entre Thomson-Houston et SACM, l’objectif était au départ de s’imposer dans le secteur de l’électromécanique face aux pionniers de l’époque, les Etats-Unis et l’Allemagne. Malgré une nouvelle fusion avec Construction électriques de France, elle n’arrivera toutefois pas à remplir cet objectif et opérera un revirement stratégique pour se spécialiser dans la construction de locomotives et de moteurs pour l’industrie navale.

C’est dans ce segment que l’entreprise connaîtra une ascension notable, en s’illustrant notamment dans des projets emblématiques tels que la conception du TGV. Mais en 2003, l’entreprise se retrouvera en grande difficulté financière, qui lui aurait valu la faillite sans l’intervention de l’Etat français. Après une lourde restructuration, l’activité repartira sur les rails et mènera à plusieurs années de croissance qui lui permettront de faire l’acquisition en 2021 de Bombardier Transport, devenant alors le deuxième groupe ferroviaire mondial.

Un leader européen présent à travers le monde

Aujourd’hui, Alstom figure parmi les poids lourds des entreprises françaises, à la 41ème place des plus grandes capitalisations boursières avec une valorisation de 9 milliards d’euros. Elle figure à ce titre à la première place du Next 20, le deuxième indice de référence de la bourse de Paris. Son activité est désormais principalement centrée sur la production de locomotives et de moteurs pour les acteurs du transport ferroviaire, notamment la SNCF et la RATP. Mais elle fournit également une large gamme de services complémentaires qu’elle ambitionne de développer davantage dans le futur.

Son revenu est donc divisé à travers quatre segments principaux : 

  • Production de matériel roulant (TGV, tram, métros…)
  • Services de maintenance et de modernisation des infrastructures
  • Outils de gestion du trafic ferroviaire (signalisation)
  • Systèmes informatiques (automatisation…)

Source : présentation des résultats du T3 2024/2025

Au niveau géographique, Alstom bénéficie de sources de revenu diversifiées à travers le monde entier, bien qu’elle tire la majeure partie de ses revenus de sa clientèle européenne et notamment du marché domestique. Aux Etats-Unis, près de 50% de la signalisation des chemins de fer nord-américains a été fournie par Alstom. L’entreprise réalise également une grande partie de ses ventes en Amérique latine, en Asie-Pacifique, au Moyen-Orient et en Afrique.

 

Source : présentation des résultats du T3 2024/2025

Une activité confrontée aux enjeux mondiaux

L’étude approfondie des états financiers d’Alstom dépeignent une histoire complexe et une fragilité inhérente au modèle économique des entreprises de l’industrie lourde. Malgré une croissance non négligeable du chiffre d’affaires et du carnet de commandes, l’entreprise souffre d’une structure de coûts étouffante et peine à se maintenir au seuil de rentabilité. Durant les années suivant l’acquisition de Bombardier, l’entreprise révèlera être en perte nette sur l’ensemble de ses publications de résultats annuels.

Source : états financiers d’Alstom

Car outre la difficile acquisition du géant, le conflit ukrainien en 2022 a lourdement pesé sur le bilan d’Alstom. Celle-ci a pleinement subi la suspension des investissements et des livraisons en Russie, entraînant non seulement l’arrêt de ses activités mais également de lourdes pertes liées à une participation de 20% dans Transmashholding, le plus grand constructeur ferroviaire russe. Additionné aux charges comptables liées à l’allocation du prix d’acquisition de Bombardier, l’entreprise peine depuis à retrouver la voie de la rentabilité opérationnelle.

De plus, cette fusion ne semble pas avoir eu l’effet escompté en termes de croissance. Le chiffre d’affaires n’a pas connu de dynamique particulièrement positive par rapport à la période pré-acquisition et les nouvelles commandes, bien que plus stables, semblent se diriger vers une certaine stagnation.

Source : états financiers d’Alstom

Point positif toutefois, les objectifs de 5% de croissance du chiffre d’affaires semblent pour le moment remplis, ce qui devrait également se vérifier sur le dernier trimestre. La dynamique du carnet de commandes nous indique que la clientèle européenne devrait représenter une proportion de plus en plus large du total, à hauteur de 75%. Les segments des services et de signalisation devraient également être au centre du développement de l’activité d’Alstom.

L’entreprise ferroviaire la plus porteuse en 2024

En millions de $, source : XTB Research

Au sein de l’industrie ferroviaire, Alstom doit faire face au mastodonte chinois CRRC, numéro un mondial du secteur, et à l’américain Wabtec, qui siphonne la majorité des flux sur les marchés cotés. Mais l’année 2024 a été particulièrement bénéfique pour le cours de l’entreprise, et elle figure en tête du classement des performances boursières malgré le fait qu’elle soit la seule entreprise à faire état de pertes nettes sur douze mois glissants. Les investisseurs se montrent probablement très optimistes quant à la capacité d’Alstom à annoncer un retour à la rentabilité dès la prochaine publication des résultats annuels.

Un pari haussier des acteurs du marché

Source : XTB Research

L’activité des investisseurs sur les instruments dérivés nous envoie des signes positifs concernant le sentiment autour de l’action d’Alstom. La volatilité anticipée est plus basse que la volatilité historique, ce qui signifie que la valorisation passée intégrait un risque plus important de perte en capital que ce qui est désormais intégré dans les cours. La courbe de la volatilité est également en pente descendante (“backwardation”), indiquant que le marché n’a pas encore entièrement intégré à court terme l’abaissement progressive de la prime de risque individuelle. 

Source : XTB Research

L’estimation sans risque du bénéfice par action anticipé à long terme par les investisseurs, obtenu en multipliant le cours de l’action par le rendement des obligations d’Etat françaises à 30 ans, révèle un équilibre actuel aux alentours des 0,74 €. L’évolution de ce chiffre suit une régression linéaire sur 42 semaines, et se dirige actuellement vers sa précédente résistance située à 0,91 €. Cette tendance suggèrerait que le cours actuel de l’action sous-valorise nettement la capacité d’Alstom à générer des flux de trésorerie positifs sur le long terme, et que les investisseurs seraient progressivement en train de rapprocher le titre de sa valeur d’équilibre. En supposant que ce modèle simpliste continue de borner les anticipations fondamentales autour d’Alstom, le principal point de tension est donc l’évolution future des taux.

Source : XTB Research

Concernant les taux, deux scénarios sont envisageables :

  • Si l’effet inflationniste des politiques américaines continue de se faire ressentir au niveau international, que la BCE atténue ses réductions de taux en raison d’une reprise économique en Europe et que la prime de risque liée à l’endettement de l’Etat français continue de croître, les taux français à trente ans pourraient revenir à leurs récents plus hauts situés à 4,1%
  • Au contraire, si la BCE décide de suivre la trajectoire anticipée par les marchés monétaires avec un taux directeur final de 2,6%, et que des annonces du gouvernement tendent vers un redressement des finances publiques, les taux à trente ans pourrait continuer à baisser jusqu’au support précédent, vers 3,4%

Ces deux scénarios nous permettent d’anticiper, selon les suppositions du modèle d’estimation sans risque, deux objectifs de cours à 22,20 € et 26,76 €, qui pourrait être atteint entre avril et septembre 2025 en fonction de l’évolution des taux. Ces niveaux correspondent également à des niveaux de résistance précédemment atteints par le passé. La publication des résultats dans le courant du mois de mai sera vitale pour déterminer si l’entreprise s’avère réellement capable d’atteindre les objectifs actuellement anticipés par les investisseurs.

 

Source : xStation5

 

Maxime RATURAT, analyste de marchés chez XTB France

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